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Yoko Ono, Lumière de L’aube, exposition au mac Lyon, du 9 mars au 10 juillet 2016

Du 9 mars au 10 juillet 2016, les trois étages du mac Lyon sont dédiés à l’œuvre de Yoko Ono, conceptuelle dès l’origine et qui englobe tout à la fois la performance, les instructions, les films, la musique et l’écriture.


Yoko Ono, Sky TV for Hokkaido, 1966/2005
Yoko Ono, Sky TV for Hokkaido, 1966/2005
Première rétrospective en France, cette exposition intitulée Yoko Ono Lumière de L’aube présente plus de cent œuvres, des poèmes illustrés de 1952 aux grandes installations de 2016, mais aussi des films, des performances… Fidèle à l’esprit de l’œuvre de l’artiste, l’exposition est à voir bien sûr, mais aussi à entendre et surtout à expérimenter.

L’exposition par Thierry Raspail, co-commissaire de l'exposition

En un peu moins de sept ans, du 26 octobre 1955 au 25 mai 1962, entre New York et Tokyo, Yoko Ono donne aux arts visuels une amplitude jusque-là inconnue. En faisant l’exercice de leur plasticité jusqu’à l’invisible, jusqu’au cri, au corps, en revendiquant le présent, l’inachevé, et en invitant quiconque à s’associer, faire et interpréter ses partitions, c’est une nouvelle histoire de l’art qu’elle écrit.

Tout commence avec quelques phrases dans un journal d’étudiant (c’est un « véritable » texte, en réalité), se poursuit dans un loft, sur une scène, un théâtre, s’intitule concert, se déroule sous plusieurs versions, avec texte redécoupé et recomposé, puis avec sons superposés et préenregistrés, en partageant les rôles, les fonctions, les interprétations, avec des artistes, musiciens, chorégraphes, en confiant à qui le souhaite le soin de poursuivre l’œuvre où bon lui semble, ou en s’incarnant exclusivement sous la forme du texte alors qu’il s’agit (aussi) de peinture…

S’il est alors question de poésie, de performance, d’Event, de son, de musique, d’art conceptuel, de pein-ture, il est également question d’interroger (et surtout de répondre) au statut de l’original, à la durée et à son mode d’existence radical : le présent (l’actualisation et le contexte), à l’interprétation, à la transcription et à l’inachèvement de l’œuvre, à la contribution de l’« autre » et au partage, à l’enjeu social et au statut de la musique et plus largement à celui de l’art en général : « Je pense ma musique davantage comme une pratique que comme une musique. Le seul son qui existe pour moi est celui de l’esprit… Mes peintures sont toutes des peintures instructions, et sont destinées à être faites par les autres… Mon intérêt se porte principalement sur « la peinture à construire dans vos têtes 1 ». Tout l’œuvre de Yoko Ono tient entre ces deux idéaux dont l’évidence a longtemps été tenue pour naïve : Oui et Imagine.

C’est lors des soirées au 112 Chambers Street que Yoko Ono réalise ses premières peintures instructions : Smoke Pain-tings, Painting To Be Stepped On, Shadow Piece, ainsi que Pea Piece, Add Color Painting. À leur sujet, elle écrit en 1966 2 : « La peinture instruction divise la peinture en deux fonctions différentes : l’instruction d’une part et la réalisation de l’autre. L’œuvre devient une réalité quand on (« The Others ») réalise l’œuvre. Les instructions peuvent être réalisées par de très nombreuses personnes de façon très différente. Cela permet à l’œuvre d’exister sous d’infinies variations que l’artiste elle-même ne peut prévoir. Cela introduit la notion de temps dans l’œuvre. » Ainsi, il est clair pour Yoko Ono que son œuvre est conçue pour être soumise à toute interprétation, pour être définitivement inachevée et réactualisée dans le temps, à toute occasion. Par conséquent, interprétable n’importe où et n’importe quand, elle se passe largement du support du musée ou de la galerie.

Ainsi, en quelque 6 ans et 8 mois, Yoko Ono, avec la plus grande légèreté, opère une véritable révolution copernicienne qui, du texte au texte-partition, à l’instruction, au son, à la scène, au collectif et aux multiples interprétations, lui ouvre des perspectives inouïes que l’œuvre à venir élargira encore.

On peut s’interroger sur les raisons qui ont longtemps tenu le rôle de Yoko Ono pour mineur (en Europe notamment), alors qu’elle exerce une influence majeure dans la constitution d’un « esprit » Fluxus (qu’elle se refuse d’ailleurs à revendiquer). Elle se contente là encore de Oui et Imagine.
Aujourd’hui, l’œuvre est incontournable, d’une extrême actualité.

J’ai souhaité cependant que nous présentions une exposition qui soit en tout point fidèle à l’œuvre, en harmonie avec le principe des instructions et qui en respecte l’« esprit ».

Ainsi, parce que l’œuvre de Yoko contient la durée, cette rétrospective ne tient pas compte de la chronologie, même si les Instruction Paintings ouvrent le dialogue.

Ainsi, parce que l’art visuel contient le son, ou l’inverse, la musique de Yoko n’est en aucune manière « isolée » dans l’espace de l’expo pour être entendue : au contraire, elle sort partout des murs ; et Yoko Ono a généreusement accepté de faire sa propre playlist – qu’il conviendra de regarder, c’est-à-dire d’écouter, comme autant d’instructions.

Enfin, parce que l’original, au sens où nous l’entendons couramment, n’est plus un original pour Yoko Ono, mais un début – c’est-à-dire un diagramme pour une histoire à vivre – nous avons privilégié les œuvres dans leur « version » praticable par un large public. C’est la leçon de Yoko Ono : celle de l’expérimentation et du partage. Ainsi, le visiteur croise à chaque étage En Trance, qui n’est ni l’entrée ni à l’entrée ; découvre AMAZE avec le siège de toilettes (souvenir de flushing, la chasse d’eau qui intervenait dans le concert du Village Gate) et constate parmi beaucoup d’autres : un Water Event actualisé, un Half-A􀀀Room « bourgeois », un Play It By Trust dans son extension maximale, une Yes Painting sur laquelle on monte, une Kitchen Piece interprétée par dix chefs cuisiniers qui créent une « soupe » pour l’occasion, etc.

« Etc. » dit beaucoup de l’œuvre de Yoko Ono, car c’est, me semble-t-il, une excellente « instruction » pour le work in progress, pour « le travail en cours » qui est au fondement de sa création.

Elle a choisi pour Lyon le titre Lumière de L’aube. Il est générique, car « Lumière » est l’un des mots clés de son œuvre, il est en même temps ancré dans l’histoire de la ville car il ne peut pas ne pas rappeler l’étrange invention à laquelle les frères Lumière, ses géniteurs, ne prêtaient aucun avenir : le cinéma. Et pour une œuvre si jeune, celle de Yoko Ono, ce titre est un très beau commencement, une très belle ouverture.

Pratique


Pierre Aimar
Mis en ligne le Mardi 12 Janvier 2016 à 12:27 | Lu 197 fois

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